Mon Journal, des histoires, une histoire... |
Mon Journal Le 26 août 1946, Bernadette Ratier crée les Editions "Aventures et Voyages" et s'installe au 37, rue de Brest à Lyon. Une naissance fortement liée à la résistance car pour créer un organe de presse, il fallait disposer d'une "attribution de papier" et elle était réservée en priorité aux résistants qui avaient créé des journaux clandestins et aux équipes des journaux qui s'étaient sabordés dès les premiers mois de l'Occupation. Or Bernadette Ratier avait été résistante et avait réalisé des tracts, des fascicules et même collaboré à un magazine féminin assez éphémère à cause de la Gestapo. A la libération, elle fait des conférences sur les femmes et la résistance et rédige quelques articles paraissant dans "La Marseillaise", très liée avec la résistance. |
![]() Le N°2 de l'hebdomadaire "Mon Journal" |
Les récits complets
En mai 1948, Bernadette Ratier lance son premier récit complet : Marco Polo. 12 pages, un format de 24x32
cm. On y retrouve le cartouche "Mon Journal" qui était le logo de son hebdomadaire. Désormais,
cette distinction se retrouvera sur toutes les productions de l'éditeur, laissant croire à beaucoup
que c'était son nom. Quant à la revue Marco Polo, les scénarios étaient dûes
à la plume de J-K Melvyn Nash, pseudonyme de Marcel Navarro, le futur rédacteur en chef de Lug et
les dessins de Guy Lebrun (sauf le N°13 de Robert Rocca). Lebrun et Rocca sont deux dessinateurs ayant travaillé
sur Fantax avec Chott. Cette version de Marco Polo était pleine d'action avec une pointe de fantastique.
![]() Le N°1 du récit complet Diavolo |
Comme les éditions de Pierre Mouchot publiait également un Marco Polo, cela déclencha une
polémique entre les deux éditeurs, à tel point que Navarro s'en expliqua dans le N°4 et
que l'éditeur augmenta la taille du logo "Mon Journal" pour bien se différencier du concurrent. Toujours dans le même format et la même année sortit la revue "Diavolo", fils d'un chef Mohican et n'ayant rien à voir avec le futur héros de Mario Sbaletta. En mars 1949, c'est l'apparition de Brik, le premier gros succès de l'éditeur. Contrairement à Marco Polo et Diavolo, c'est bien le même Brik qui s'illustra en petit format quelques années plus tard. (Image ci-contre issue du site de J-P Rauch, le Dictionnaire des PF) |
C'est à ce moment que les "Editions Lug" fondées en septembre 1950 toujours par Auguste
Vistel et Marcel Navarro commencent à être reconnues et à avoir du succès. Marcel Navarro
qui possède à ce moment 35 % des parts de la société Aventures et Voyages, les cèdent
à Mme Ratier afin de pouvoir se consacrer entièrement au développement de Lug. Auguste Vistel
fait de même et le rejoint.
Les Petits formats
Nous sommes en Janvier 1955 et Mme Ratier est maintenant seule au commande du navire "Aventures et Voyages".
L'éditeur déménage dans le 2ème arrondissement de Paris au 26, Rue d'Aboukir. Il y
restera jusqu'en 1987 et le départ de Bernadette Ratier.
C'est à partir de ce moment que sont éditées des revues au moyens formats telles que Biribu (septembre 1955), Totem (1ère série, avril 1956), Diavolo, Whipee, Dakota et Apaches en 1957, Akim (1ère série) et Brik en 1958, Bengali, Pirates et Perceval en 1959, etc. Toutes ces bandes dessinées sont au format de poche 13 x 18 mieux connu sous le nom de "Petit Format". Mais l'époque n'est pas encore aux grands succès et l'on peut aussi constater les arrêts de Biribu en 1957 après 21 numéros, Diavolo en 1958 après seulement 14, Dakota et Totem en 1960 alors que Perceval cède la place à Ivanhoé après seulement huit numéros. Le noir et blanc n'est pas non plus toujours de mise et l'on peut lire Diavolo alternant le monochrome et la brichromie rouge à l'instar des premiers Strange et Marvel douze ans plus tard. | ![]() Le N°1 de Dakota, un des premiers PF |
Mais petit à petit, les auteurs français disparaissent des sommaires à part Michel Paul Giroud comme bouche-trou dans quelques revues avec ces histoires du « Capt'ain Vir-de-Bor » et son western « Yankee ».
Pendant une vingtaine d'années les éditions "Aventures et Voyages" sont prospères à tel point qu'à la fin des années soixante-dix les ventes dépassent les deux millions d'exemplaires chaque mois tout titres confondus (Une trentaine environ à cette époque) ce qui place la maison d'édition devant Arédit, Vaillant, Lug, Impéria et Sagédition. En 1982, Capt'ain Swing tire encore à 92 000 exemplaires chaque mois, ce qui est mieux qu'Akim au même moment. Pendant cette période, on verra se créer Dorian/Marco Polo, Ivanhoé, Kris le shériff (1960), Lancelot (1961), En Garde, Messire (1962), Shirley (qui deviendra Belinda sur la fin) (1963), Bayard, Spécial Shirley (puis Pamela), Rocambole (1964), Rouletabille (qui fusionnera avec Rocambole), Blason d'or, Dan Panther (1965), Capt'ain Swing (1966), Safari, Carabina Slim, Tipi, Akim Color (1967), Tchak!, Yataca (1968), Ooooh! (1969), Vick (1970), Trophée, La route de l'Ouest (1971), Pistes Sauvages, Coup Dur (1972), Les Rois de l'Exploit, Janus Stark (1973), Minou Cat (1975), Mister No, Robbie, Atémi (1976), Sunny Sun, El Bravo (1977), Long Rifle, En Piste (1ère série), Antares, Skaters (1978), Joselito (1979), Les Indomptables, Super Swing, Force X, Super Force (1980) et Totem (2ème série) en 1981.
Mais l'on verra aussi disparaître bon nombre de titres : Bayard, Blason D'or (1965), Dan Panther (1966), Kris le Shériff, Rocambole-Rouletabille (1967), Messire (1968), Tchak!, Ooooh! (1970), Shirley-Belinda (1971), Pamela (1972), Pistes sauvages (1975), Vick, Minou Cat, Robbie (1977), Coup Dur (1978), Akim Color, Skaters (1979), Force X (1980), Super Force (1981), Joselito et les Indomptables en 1982.
Madame Ratier a été puiser aux sources de la BD populaires européennes publiant des récits en provenance d'Angleterre, d'Italie, d'Espagne principalement chez des éditeurs comme Bonelli (Capt'ain Swing, Scotty Long Rifle (alias Ken Parker), ou parmi les revues britanniques « Valiant », « Tiger », « 2000 AD », « Buster » ou les fameux « selecciones Ilustradas » de Barcelone. Il y eut bien quelques couacs comme la revue « Panache » qui dut changer de nom dès le N°2 (et devenir « En Garde ») pour cause de procès d'Impéria (publiant déjà un fascicule du même nom) ; quelques tentatives malheureuses comme les moyens formats couleurs : Yataca (qui passa en PF), Tchak! Ou Ooooh! Qui disparurent rapidement. On pourra aussi citer « Force X » qui devient mystérieusement « Super Force » après un seul numéro sans qu'on sache pourquoi ou les échecs des albums plus ambitieux comme la collection « Un homme, une aventure », mais globalement « Mon Journal » est à l'époque un éditeur incontournable, proposant ce qui se faisait de mieux dans le créneau de la BD populaire. Au-delà d'Impéria proposant essentiellement du western et des récits de guerre ou de Lug dont les préoccupations allaient plutôt aux super-héros de Marvel.
Durant cette période, dans les succès et dans les échecs, Bernadette Ratier a toujours maintenu le cap d'une BD pour la jeunesse de qualité évitant le plus possible la violence ou les histoires guerrières. Contrairement à des éditeurs comme Impéria, il n'est pas aisé de trouvé des récits de guerre parmi la production Mon Journal de cette époque.
Entre 1982 et 1985, aucune nouvelle revue n'est créée. Bernadette Ratier semble ne plus se passionner pour son métier qui l'a accompagné durant presque 40 ans.
Le début de la fin ?
En février 1985, Bernadette Ratier cède l'affaire à Christian Chalmin en provenance de l'éditeur « Harlequin ». Ce dernier, devant un déclin annoncé, essaie de moderniser la maison d'édition. Il relance la revue En Piste avec une 2ème série relookée, mais surtout il essaiera de lier Mon Journal et Marvel. En octobre 1985, il lance conjointement "American BD" et "Super Conan", chacun dans un numéro double.
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L'initiative est intéressante au moment où Lug domine le marché grâce à des séries Marvel dans le domaine du Super Héros. Si Conan confirme son énorme potentiel dans notre pays et se voit même accolé un "spécial", les histoires de SF, même "made in Marvel" ne rencontreront pas leur public et la revue s'arrête au bout de seulement 6 opus. Il faut dire qu'à l'époque, le prix du papier explose, notamment à cause d'un dollar flirtant avec les sommets. |
Il tente aussi de lancer des collections plus ambitieuses en albums, mais sans grande réussite. Sous son ère, en deux ans, on aura vu la fin de : Pirates, Sunny Sun, Totem (2ème série) (1986), Whipii!, Apaches, En Garde, Long Rifle et Super Swing (1987), mais le pire était encore à venir.
La fin ?
Christian Chalmin cède finalement l'affaire en février 1987 à un groupe d'investisseurs ou elle va passer de main en main : Tourt d'abord, J.M. Tilly. Durant cette période, on verra bien la création de Special En Piste qui durera 15 numéros, mais c'était en mars et la revue avait dû être préparée par l'équipe précédente. Pour le reste, c'est une longue litanie d'arrêt. La 1ère équipe aux manettes pendant neuf mois en 1987 supprimera : Tipi, El Bravo (février), Lancelot (mars), Brik, Carabina Slim (avril) et Safari (mai).
Olivier Beressi arrive en Novembre 1987. Il s'abstiendra du moindre arrêt, mais ne restera que trois mois.
En février 1988, c'est le tour de G. Bensoussan qui fera déménager l'éditeur au 73, rue Pascal, 75013 Paris. Il ne bougera plus jusqu'à 1991. Bensoussan signera la mort de : Bengali, Ivanhoé (novembre 1988), Super Conan Spécial (mai 1989), Yataca (août), La route de l'Ouest, Spécial Trophée (novembre), Les rois de l'exploit (décembre), Super Conan (janvier 1990), Mister No, Atémi (mars), Janus Stark (avril), Trophée (mai). On le voit, même les titres phares sont victimes de l'hécatombe et il ne reste plus grand-chose de la grande maison d'édition. Il faut souligner que l'arrêt de Super Conan n'est pas dû à des méventes, mais à la fin du contrat liant Mon Journal et Marvel. Le personnage émigrera d'ailleurs dans la foulée chez Sémic. | ![]() |
Il faut quand même saluer Akim qui pendant 33 ans (de 1958 à 1991) et 756 N° a battu le record de longévité des petits formats !
Renaissance
En 1991, le fonds de commerce concernant les BD a été cédé à "Mon Journal Multimédias" qui ne l'utilisera pas jusqu'en avril 1994. A cette époque, il relance leurs deux revues phares Akim et Capt'ain Swing en rééditant les premiers numéros dans l'ordre chronologique. En janvier 2000, l'éditeur fait le pari de relancer une troisième revue suite à un sondage parmi les lecteurs, ce sera Ivanhoé. Malheureusement, le succès n'est pas au rendez-vous et la revue s'arrêtera au bout de dix petits numéros. Peut-être aurait-elle eu plus de chance en s'appelant Marco Polo, un héros plus populaire auprès du grand public, mais ce n'est là qu'une hypothèse gratuite.
Internet
On pourra bien sûr faire un tour sur le site http://bdmonjournal.free.fr/ qui recense les différentes revues de l'éditeur, mais il faut aussi aller voir P'tite Bulle de Serge Machaut qui dresse un historique rapide ainsi que Michel Dufaure qui donne pas mal de renseignements sur les revues, même si elles ne sont pas regroupées par éditeur. Je remercie aussi "Capt'ain Rico Swing" qui m'a fourni quelques infos, notamment sur les chiffres de vente.
Dominik Vallet